Histoire

SOMMAIRE

 

 

Portrait d’une ville fascinante du Nord Caraïbe

 

Un territoire niché entre mer et montagne

Située sur la côte Nord-Caraïbe de la Martinique, la ville de Saint-Pierre étend ses 3 872 ha en amphithéâtre face à la baie donnant sur la mer des Caraïbes. Les alizés soufflant du Nord-Est et la profondeur de ses eaux la rendent facilement accessible aux navires. L’écrin vert constitué d’une majestueuse falaise délimite le territoire à l’Est et abrite la ville des vents soufflant vers l’Ouest. Cet alignement végétal se poursuit jusqu’au Nord et se dissout dans une masse dominante qui culmine à près de 1400m de hauteur, la Montagne Pelée.

Dévalant les flancs de la Montagne Pelée, la rivière des Pères, la rivière Blanche, la rivière Sèche, la rivière Claire et la rivière Roxelane façonnent les vallées, traversent le territoire et irriguent la ville.

L’importante éruption de 1902 a remodelé le paysage et modifié le relief de la Montagne Pelée. La reconstruction de la ville se fait au détriment d’une partie des terres agricoles situées sur les pentes du massif.

Tandis que les pentes de la Montagne sont essentiellement occupées par des zones agricoles et des boisements, le tissu urbain se développe en majorité sur la frange littorale.

La ville de Saint-Pierre compte aujourd’hui 4 177 habitants (INSEE, 2018).

004 histoire Saint Pierre

004 histoire Saint Pierre

Saint-Pierre entre gloires et tragédies : dates-clés

  • Période précolombienne
  • 1502 : Christophe Colomb arrive en Martinique
  • 15 septembre 1635 : Débarquement de Pierre Belain D’Esnambuc dans la rade Saint-Pierre (prise de possession de la Martinique)
  • 22 mai 1848 : Révolte des esclaves, préalable à l’abolition qui sera proclamée dans par le Gouverneur Rostoland dans l’escalier de l’Intendance.
  • 6 mai 1853 : début de l’immigration Indienne
  • 8 mai 1902 : éruption volcanique de la Montagne Pelée
  • 23 mars 1923 : Saint-Pierre redevient une commune de France (elle avait cessé de l’être en 1910)
  • 1933 : construction du musée volcanologique Franck A. Perret

 

  • La période précolombienne

En 1855, des découvertes archéologiques sur le territoire permettent d’attester de la présence des populations amérindiennes, les Arawaks et les Caraïbes, à l’échelle des trois quartiers de Saint-Pierre. Elles se révèlent toutefois très peu significatives en raison des petites parcelles fouillées et permettent difficilement de se rendre compte de l’organisation de l’espace.

Le journal d’alors, La France d’Outre-mer, reporte qu’il s’agit essentiellement de quelques fragments de poteries et d’ustensiles divers que l’on situe à la période précolombienne. Les hypothèses de premières occupations ont été confirmées par des campagnes de fouilles menées à partir de 1988. Ces fouilles qui – avaient pour objectif de révéler les vestiges d’une ville coloniale à la fin du XIXe siècle) – ont permis de découvrir des mobiliers (objets d’art et d’usage quotidien).

 

  • XVIIe siècle : l’arrivée des premiers colons français

Le 15 septembre 1635, une expédition menée par Pierre Belain d’Esnambuc, gouverneur de l’île de Saint-Christophe, débarque à l’embouchure de la rivière Roxelane. Il prend possession de la Martinique au nom du Roi Louis XIII.

La nouvelle colonie s’organise autour du fort Saint-Pierre. Le fort donne son nom au bourg qui devient ensuite le premier quartier de la ville, délimité par la rivière des Pères, au Nord, et par la rivière Roxelane, au Sud. La place d’armes, l’hôpital militaire, les magasins du roi et la maison du gouverneur y sont établis. Une première église, fabriquée en bois, y est construite par les jésuites dès 1635.

 

  • XVIIIe siècle : Saint-Pierre, capitale économique et commerciale

Le XVIIIe siècle marque un tournant majeur dans l’évolution de la cité en raison de la conjonction d’un avantage naturel et d’un facteur économique. La rade de Saint-Pierre, idéalement profonde grâce à son plateau, est propice au mouillage des bateaux. Les activités commerciales liées à la production sucrière sont à l’origine du développement du port.

Les concessions octroyées aux habitants relatives à l’activité portuaire florissante conduisent à un développement d’un bourg supplémentaire au sud de la rade : le quartier du Mouillage. Une deuxième paroisse, à l’initiative des frères Dominicains, y est érigée.

008 histoire Saint Pierre

008 histoire Saint Pierre

L’habitation-sucrière, où se produit le sucre puis le rhum, est le point de départ de cette vie économique et commerciale. C’est le début de l’esclavage et du commerce triangulaire. La ville devient une étape majeure de la trajectoire des négriers où la « marchandise » servile y est débarquée puis vendue sur le marché d’esclaves.

 

  • Capitale administrative, culturelle et intellectuelle

A la fin du XVIIIe siècle, les frontières de la ville de Saint-Pierre sont définitivement fixées. Le territoire se structure en trois quartiers du Nord au Sud : le quartier du Fort, le Centre et le Mouillage.

Au Nord, la construction de résidences agrémentées de jardins dans la « Nouvelle cité » confère au quartier du Fort la fonction de quartier résidentiel, par opposition au quartier du Mouillage caractérisé par l’agitation de l’activité portuaire. Le Centre a une vocation à la fois administrative et culturelle ; l’Intendance, la prison et encore le Théâtre s’y concentrent.

La ville se fait l’écho des évènements de la métropole en étant le théâtre de faits sociaux et politiques majeurs dans l’histoire de la Martinique. Il y a eu le scandale déclenché par le port de la cocarde tricolore au Grand Théâtre de Saint-Pierre au seuil de la Révolution Française; puis la révolte sanglante des esclaves du 22 mai déclenchée la veille de la proclamation officielle de l’abolition de l’esclavage, le 23 mai 1848.

 

  • XIXe siècle : le temps de l’immigration

Une fois déclarés libres le 23 mai 1848, les anciens esclaves fuient massivement leurs anciennes habitations. Recourir à une nouvelle main-d’œuvre étrangère se présente aux propriétaires fonciers comme une alternative économique au déclin annoncé de l’économie sucrière.

On envisage alors de faire appel à des travailleurs indiens puisqu’il existe cinq comptoirs français en Inde. C’est ainsi, que le 6 mai 1853, 314 travailleurs indiens sous contrat, en provenance du Sud de l’Inde, débarquent sur la place des Mosges à Saint-Pierre. De 1853 à 1883, date à laquelle prend fin l’immigration indienne, 25 509 engagés d’origine indienne arrivent en Martinique.

 

  • XXe siècle : une ville martyre

A la fin du XIXe siècle, on surnomme Saint-Pierre « le petit Paris des Antilles » tant la ville bouillonne sur le plan économique et culturel. De par sa situation géographique, elle est résolument ouverte vers l’extérieur. Saint-Pierre représente le premier port marchand de Martinique. Cette ville moderne se dote des équipements avant-gardistes améliorant la qualité de vie des Pierrotins avec l’ingénieux système de canalisations, son réseau électrique, son tramway hippomobile reliant le quartier du Mouillage à Fond Coré au nord de la ville.

Son expansion démographique est également importante : Saint-Pierre est la commune la plus peuplée de l’île. En 1901, la ville compte 26 261 habitants majoritairement urbains répartis entre le bourg et sa périphérie.

006 histoire Saint Pierre

006 histoire Saint Pierre

Le train de vie pierrotin est pourtant perturbé par les manifestations de plus en plus inquiétantes de la Montagne Pelée qui domine la cité. Fumerolles, tremblements de terre, grondements et pluies de cendres en continu troublent le quotidien paisible de la population.

Le 5 mai 1902, un lahar, provoqué par le déversement du lac du cratère dans la rivière Blanche, emporte l’usine Guérin située à son embouchure. A la demande du gouverneur, une « commission scientifique » est constituée le 7 mai afin d’étudier le volcan. Cette dernière en tire une conclusion sans fondement et précise que ce dernier ne présenterait pas plus de danger que le Vésuve n’en présente à Naples. Il s’agit en réalité d’une ultime tentative visant à rassurer la population et limiter les départs à la veille du deuxième tour des élections législatives prévu le 11 mai 1902.

Le jeudi 8 mai 1902, à 7 h 50, alors que les églises de la ville s’emplissent de fidèles, une nuée ardente crachée par la Montagne Pelée embrase toute la cité. En quelques minutes seulement, le Petit Paris des Antilles multi centenaire disparaît, consumé par les cendres et les roches volcaniques. Une scène inouïe d’une ville dévastée s’offre aux témoins hagards. La prospère capitale est transformée en un vaste champ jonché de corps calcinés recouverts par les cendres et les ruines. Le gouverneur et son épouse, arrivés la veille pour prendre part aux cérémonies, périssent également. Dans la rade de Saint-Pierre, plusieurs navires sombrent dans les eaux profondes de la mer des Caraïbes, incendiés par les cendres incandescentes. Seuls deux hommes meurtris survivent à la tragédie : Louis Cyparis et Léon Compère.

 

  • 1923 à 2013 : 90 ans de reconstruction

Le 23 mars 1923, Saint-Pierre jusque-là rattaché à la commune du Carbet, est à nouveau érigée en commune. Un nouveau conseil municipal est nommé à la gouvernance de la Ville ; à sa tête, Louis Ernoult, seul rescapé de l’ancienne Municipalité.

Le nouveau maire affirme sa volonté de faire renaître la ville. Dès lors, d’importants travaux sont entrepris pour la reconstruction de l’ancienne cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption, des bâtiments administratifs et économiques (l’hôtel de ville en 1934 et le marché du Mouillage).

Pour autant, le souvenir de l’éruption n’est pas écarté. Il pénètre dans les murs d’un nouvel établissement dédié à la catastrophe, en 1933 : le musée volcanologique et historique portant le nom du volcanologue et géologue américain, Frank A. Perret.

A la fin des années 1980, des campagnes de fouilles archéologiques sont menées sur le territoire dans le cadre de projets de valorisation soutenus par la Municipalité.

L’obtention du label Ville d’art et d’histoire en 1990, renouvelé en 2003 puis en 2018, porte des projets de mise en valeur et de sauvegarde des sites et monuments présentant, désormais, une valeur historique et patrimoniale importante.

 

Les équipements culturels

 

Le Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine

whatsapp_image_2020-12-16_at_13.38.39.jpgPrécieux instrument culturel de proximité, le CIAP a pour objectif de sensibiliser, informer et former les concitoyens à l’architecture et au patrimoine du territoire de Saint-Pierre. Doté d’un centre d’information et de documentation historique et scientifique, le CIAP est ouvert aux enseignants, aux chercheurs comme au grand public.

Point de départ des visites guidées, le CIAP de Saint-Pierre constituera un espace privilégié de rencontres et d’échanges didactiques et pédagogiques. Une exposition permanente, des expositions temporaires, des ateliers pédagogiques, des conférences… permettront de vulgariser la connaissance architecturale, urbaine et paysagère de la ville.

Le Mémorial de la catastrophe de 1902 ici

Du musée volcanologique au mémorial de la catastrophe de 1902

Dès son arrivée Frank A. Perret voit l’intérêt que peut apporter un musée volcanologique à la Martinique. Sur les traces des travaux du professeur Lacroix, il souhaite continuer l’étude de la montagne Pelée et de ses éruptions, capitale pour l’avancée de la science volcanologique. Il fait appel à des donateurs privés pour les fonds et à la ville de Saint-Pierre pour le terrain. En 1933, le premier musée de l’île ouvre ses portes avec une exposition qui, outre les vestiges de la catastrophe, accorde une place importante à la volcanologie. Le bâtiment forme un volume rectangulaire simple en béton peint et d’inspiration Art déco. Il est rénové en 1969 dans une architecture moderniste inspirée du Style international.

Le nom « Musée Frank A. Perret » est alors inscrit en lettres forgées sur la façade. Un nouveau dispositif de visite libère une large surface au centre d’une pièce unique permettant d’accueillir d’importants groupes de visiteurs au moment où le tourisme de masse se développe à la Martinique. L’intérieur du musée est rénové en 1988 lors de l’attribution à la ville de Saint-Pierre du label Ville d’art et d’histoire puis obtient l’appellation Musée de France en 2004. En décembre 2018 il fait l’objet d’une rénovation complète dans le cadre d’une délégation de service public attribuée à la fondation Clément. La dénomination « Mémorial de la catastrophe de 1902 » vient s’ajouter au nom historique du fondateur du musée pour marquer la nouvelle orientation avec une approche plus culturelle de la catastrophe qui met en avant l’expérience vécue par les Martiniquais et son retentissement mondial.

 

Un nouveau projet architectural, une architecture contemporaine

Avec un parti architectural contemporain assumé, le projet de rénovation témoigne d’une nouvelle étape dans la vie de l’institution. Son objectif est d’installer le musée dans la ville, puissant et sobre en regard de sa fonction de mémorial. L’objectif de réouverture au public le 8 mai 2019 après seulement cinq mois de fermeture imposait, en dehors de tout critère esthétique, le recours à des matériaux simples à mettre en œuvre et à des circuits courts d’approvisionnement. Le choix du bois pour revêtir les façades en remplacement de la pierre endommagée posée lors de la rénovation de 1969 s’est imposée immédiatement. Matériau facile à approvisionner, il a été brûlé selon la technique japonaise ancestrale du shu sugi ban qui rend le bois plus résistant aux éléments et fait ici écho à l’histoire. L’esplanade et sa promenade ont été rénovées en utilisant un simple béton désactivé dont les agrégats sont issus des flancs de la montagne Pelée à Saint-Pierre et la fontaine remise en service. Le volume simple et élégant de 1969 a été conservé. Une galerie a simplement été posée sur l’ancienne rampe d’accès afin de faciliter la circulation dans l’espace muséographique. Le musée d’inspiration Art déco à sa construction en 1933, est devenu moderne en 1969. Aujourd’hui, le bâtiment conçu par l’architecte Olivier Compère se veut résolument contemporain, avec des lignes et des formes pures, une vêture d’un beau noir qui varie selon les heures du jour, une palette de matières brutes et simples qui rentre en résonance et laisse la politesse à sa vocation de lieu mémoriel.